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Conditions de revente au fournisseur d’un bien commandé et non encore livré

Question: 278724

Le mois d’octobre de l’an 2016 coincidait avec la saison de récolte et de vente des dattes.Les producteurs y vendaient leurs produitions aux vendeurs à un prix concurrentiel. Allah soit loué. J’ai commendé une quantité de dix tonnes de dattes de première qualité au prix du moment qui était 5,5 dinars.

Quand j’ai demandé la livraison de la marchandise, le fournisseur s’est mis à tergiverser avant d’avouer qu’il ne disposait pas de la quantité requise ni du prix de son équivalent en cours sur le marché.Dès lors, il voulait racheter la marchandise de moi à termes donc sans respecter la condition de la remise immédiate.

Allah soit loué.Grâce à Allah le Puissant et Majestueux. Je n’ai pas accepté de revendre les dattes avant leur réception et j’ai insisté sur la livraison de ma commande.Cependant, l’affaire ayant déjà duré un mois, la marchandise était devenue rare sur le marché. Il est fortement probable que même si le fournisseur défaillant disposait  de l’argent en ce moment, il ne serait pas en mesure de me livrer ma commande. Le prix était passé à 11 dinars. Et on ne trouve personne capable de fournir une telle  quantité au prix que voilà.

Il se dégage calirement du discours du fournisseur défaillant confirmé par la réalité du marché que je ne pourrai pas obtenir la marchandise commandée aux mêmes caractéristiques et quantité avant le 10e mois de l’année et l’arrivée de la nouvelle récolte. On sait qu’à ce moment le prix du kilogramme de datte redescendra à son montant saisonnier qui est 5,5 dinars.Ce qui représente la perte d’un éventuel gain que j’aurais  réalisé et qui serait estimé entre 4,5 et 3,5 dinars après déduction des frais de frêt et de transport.

Voici ma question: je ne  sais pas si je peux lui vendre la commande avant sa réception car cela ne parait pas permis étant donné que la datte fait partie des produits soumis à la condition d’une perception immédaire et une revente à un autre que le fournisseur? Faudrait-il que je reclame une compensation égale au gain que j’aurais réalisé si le fournisseur n’avait pas tergiversé durant dix mois au lieu de me livrer ma commande? La compensation couvrirait le profit commercial que j’aurais pu tirer de mon argent si le fournisseur ne m’avait pas fait perdre plusieurs occasions de recevoir mes dattes pour les revendre?

Texte de la réponse

Louanges à Allah et paix et bénédictions sur le Messager d'Allah et sa famille.

Premièrement :

Il vous est permis de vendre les dattes au fournisseur avant leur réception selon l’avis le plus prépondérant. C’est la revente d’un bien commandé et payé mais non encore livré. Il est permis de le revendre au fournisseur car il est permis au débiteur de vendre sa dette. Cependant, cela est régi par des conditions, notamment que vous lui revendiez la commande au prix du jour (le jour de la vente) ou à un prix inférieur et non supérieur, et que si vous la lui vendiez en espèce, l’opération se ferait immédiatement ou à différer. Si vous la lui vendiez contre un paiement en blé et consorts, le paiement en différé est interdit et l'échange immédiat est obligatoire. Il ne vous est pas permis de la lui vendre contre un paiement en dattes en différé et avec une quantité supérieure car on ne vend des dattes contre des dattes qu’à condition de l’égalité des quantités et de leur remise immédiate. Voilà le choix de cheikh Al-Islam Ibn Taïmiyya et Ibn Al-Qayyam. C’est aussi l’avis d’Ibn Abbas (Qu'Allah soit satisfait de lui) qui correspond à une version rapportée par l'imam Ahmed (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde). Voir l’Encyclopédie Fiqhiya (25/218).

Cheikh Ibn Otheïmine (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a dit : « Si quelqu’un dit : peut-on revendre un bien commandé avant sa réception ? » La réponse est oui. Il est permis de le revendre au fournisseur. Pour cheikh Al-Islam Ibn Taïmiyya (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde), il est permis de le vendre même à un autre (étranger). Mais c’est discutable car si on le vend à un autre que le fournisseur, il se peut qu’il lui soit impossible d’en prendre possession. Le vendre à un autre revient à effectuer une vente avec un paiement en différé donc sans livraison immédiate du bien vendu. Il ne me parait pas qu’on puisse faire preuve de souplesse ici. Pour Cheikh Al-Islam Ibn Taïmiyya, il est permis de vendre une dette à un autre que le débiteur à condition qu’il soit possible de se faire payer.

Mais la vente au fournisseur d’un bien non livré repose sur trois conditions :

La première : est de le vendre au prix du jour sans chercher de bénéfice car s’il vend à un prix supérieur, il aurait réalisé un gain sur une marchandise alors qu'il ne l'a pas garantie. Or, une telle opération (réaliser un gain sur une marchandise alors qu'on ne l'a pas garantie) a été interdite par le Prophète (Bénédiction et salut d'Allah soient sur lui). En voici un exemple : on fait une commande ferme de cent mesures de blé d’une valeur de deux cents dirhams, et le partenaire dit : je te les vends à deux cent cinquante dirhams. Ceci n’est pas permis car le vendeur a réalisé un gain dans ce blé avant de l’avoir garanti puisqu’il ne le possède pas encore et ne l’a pas reçu. Et ainsi il réalise un bénéfice sur un bien qu'il n'a pas garanti. Et à cause aussi d'un hadith d’Ibn Omar (Qu'Allah soit satisfait de lui) où est mentionné ce qui suit : « Il n’y a aucun inconvénient à le prendre au prix du jour (actuel). », afin d’éviter de réaliser un gain en l’absence d’une garantie.

Si les cent mesures de blé valent deux cents dirhams et qu’il les vend à cent cinquante : c'est permis ; car s'il est licite de vendre au prix du jour (actuel), le vendre à un prix inférieur est de prime abord.

Puisque nous avions justifié l’interdiction de la vente à un prix supérieur par l’obtention d’un gain en l’absence d’une garantie, ici il n’y a pas de gain mais il y a une perte.

Par le prix du jour (actuel), on signifie de ne pas augmenter le prix. Vendre moins cher c’est bien.

La deuxième condition : concerne la remise de la marchandise avant que les contractants ne se séparent si la vente porte sur un bien concerné par l’usure de la Nassii-a (différée). En voici un exemple : on vend du blé contre de l’orge : cent mesures de blé contre deux cents mesures d'orge. C’est permis à condition que les quantités soient livrées avant la séparation des intéressés car la validité d’un tel échange dépend de cette condition. Ceci s’atteste dans ce hadith d’Ibn Omar (Qu'Allah soit satisfait de lui) : « Il n’y a aucun inconvénient à le prendre au prix du jour et à condition que vous ne vous sépareriez pas sans tout régler. », car c’est de la vente de dirhams contre des dinars ou inversement, vente soumise aux conditions ci-dessus stipulées : la remise de la marchandise avant que les contractants ne se séparent.

La troisième condition : est que le prix ne serve pas à passer une autre commande car si tel est le cas, l’acheteur le plus souvent gagne et se retrouve dans le cas où l’on obtient un gain en l’absence d’une garantie. En voici un exemple : au moment de la livraison des cent mesures de blé, les contractants disent : substituons-y cinq moutons dont la description est telle et à livrer au bout d’un an, car la revente de l'animal est permise comme on l’a déjà dit. L’opération n'est pas permise car on n'agit souvent de la sorte que pour réaliser un gain, or les cinq moutons valent cent vingt mesures de blé et que cela aboutit à une reconversion de la dette de sorte que chaque fois que la dette arrive à terme on en fait le prix d’une commande. Ce qui revient à une manipulation de la dette afin de l’augmenter au détriment du débiteur. En effet, chaque fois qu’il faut payer, on en fait le prix d’une commande de manière à créer un cumul de dettes.

Ainsi l’avis le plus prépondérant est que la vente est permise sous réserve du respect des trois conditions suscitées.

Pour l'école hanbalite, la vente n’est absolument pas permise compte tenu du hadith selon lequel : « Celui qui paie en avance pour acheter un bien ne peut pas utiliser l’avance pour acheter un autre bien. » comme on l’a déjà dit. Mais le hadith évoqué est faible comme l’a vérifié l'imam Ibn al-Qayyam dans Tahdhib As-Sunan.

À supposer que le hadith soit authentique, il faut le comprendre dans ce sens : celui qui fait une avance pour l’achat d’un bien ne doit pas en faire un capital devant servir à une autre avance pour une autre affaire.  Si nous maintenons l’inauthenticité du hadith, la vente demeure en principe licite compte tenu de la portée générale de la parole d'Allah le Très-Haut : « Allah a rendu licite le commerce, et illicite l'intérêt. » (Coran : 2/275).

 Comme le hadith d’Ibn Omar indique la licéité d’une telle opération, étant donné l’absence d’une différence entre la dette que constitue l’argent reçu à titre d’avance et toute autre dette. Celui qui prétend l’existence d’une différence doit la prouver. » Extrait d’Ach-Charh Al-Moumti' (9/87).

Deuxièmement :

Si votre fournisseur honore votre commande de dattes, il ne vous est pas permis de lui réclamer une compensation pour l'occasion ratée ou le gain éventuel perdu, même s’il a tergiversé car l’exigence d’une telle compensation par rapport à une dette relève de l’usure.

On lit dans une résolution du Madjmaa' Al Fiqh Al-Islami relative à la condition impliquant une pénalité : « L’assemblée confirme ses résolutions antérieures  portant sur la condition concernant la clause pénale figurant dans sa résolution à propos de la vente à terme N° 85 (2/9) stipulant : « Il n'est pas permis de formuler une condition exigeant le paiement d’une pénalité en cas de retard de la livraison d’une commande car c'est considéré comme une dette ; et il n’est pas permis d'exiger l’augmentation du montant de la dette pour un retard de paiement. »

Et sa résolution portant sur la vente en tranches (par parties) N° 51 (2/6) stipulant :

« Si l’acheteur (débiteur) s'attarde à payer des tranches à leurs dates précises : il n’est pas permis de lui exiger le paiement d’un surplus par rapport au montant de la dette sur la base d’une condition précédente ou en l’absence d’une condition car cela relève de l’usure interdite. » Extrait des « Les résolutions du Madjmaa' » (p 371).

Et avec cela il faut remarquer que l'atermoiement (retarder sans excuse le paiement d’un droit) est interdit et que celui qui le fait commet un péché selon la parole du Prophète (Bénédiction et salut d'Allah soient sur lui) : « L'atermoiement du riche (solvable) est une injustice. » (Rapporté par Al-Boukhari 2400 et par Muslim 1564).

Le Prophète (Bénédiction et salut d'Allah soient sur lui) a dit : « L'atermoiement du riche (solvable) justifie qu’il soit puni moralement et physiquement. » (Rapporté par Abou Dawoud 3628 et par An-Nassaï 4689 et par Ibn Madja 2427 et jugé bon par Al-Albani dans Irwa Al-Ghalil 1434).

La punition morale est la dénonciation du débiteur par le créancier en disant : ‘’untel tergiverse injustement pour ne pas me payer’’. La punition physique renvoie à l’emprisonnement d’après les explications de Soufiane et d’autres.

En résumé :

Il n’y a aucun inconvénient à ce que vous vendiez à votre fournisseur en dinars les dattes qu’il vous doit, à condition que la vente soit au prix du marché au jour de la vente.

Il n’y a pas d’inconvénient non plus à ajourner la remise des dinars totalement ou partiellement car la vente de dattes en dinar n’est pas soumise à la condition que l’échange soit immédiat (Taqaboudh).

Et Allah, le Très-Haut, sait mieux.

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Islam Q&A

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